Puisque Freud nous y invite
Puisque Freud nous y invite, poussons la porte de son bureau. Des tapis,
des objets antiques, donnent à cette pièce une certaine
intimité. Tandis que Freud l'écoute avec grande attention,
Dora, allongée sur le divan lui raconte son rêve :
" Il y a un incendie dans une maison
mon père est
debout mon lit et me réveille. Je m'habille vite. Maman veut
encore sauver sa boite à bijoux, mais papa dit " Je ne veux
pas que mes deux enfants et moi soyons carbonisés à cause
de ta boite à bijoux. " Nous descendons en hâte, et
aussitôt dehors je me réveille. "
De ce rêve, il y a une partie, qu'au cours de mes lectures, je
n'avais jamais jusqu'à ce jour repérée, c'est celle-ci
: " Maman veut encore sauver sa boite à bijoux ".
J'avais plutôt prêté attention à la phrase
du père. Son désir de sauver ses enfants.
Je me demande, c'est plus une intuition qu'une certitude, si ce n'est
pas, par cette phrase, concernant ce que pourrait être le désir
de sa mère, son désir de conserver quelque chose de sa
féminité, malgré le fait qu'elle ne soit plus,
pour cet homme, pour le père de Dora, un objet aimable, un objet
d'amour.
Dans ce rêve, elle
reprend ses droits, par rapport à Madame K. si ce n'est aux yeux
de son mari, au moins aux yeux de Dora.
Son désir, le désir de la mère, y est présentifiée
dans le rêve.
D'ailleurs, Freud le prend en compte, en indiquant à Dora, qu'elle
fut son ancienne rivale, auprès de son père.
Et voici qu'au delà,
de tout ce que Freud s'attache à découvrir, concernant
ce qui s'est passé avec Monsieur K. - ce qui au demeurant intéresse
beaucoup Freud, voici qu'apparaît un autre souvenir de dispute
entre ses parents à propos de bijoux.
Je trouve que ce souvenir est intéressant, parce que c'est la
seule trace que nous trouvons d'un sentiment de jalousie éprouvée
par la mère à l'égard de Madame K.
C'est effectivement un affect qui n'apparaît jamais de façon
explicite, dans les relations entre les femmes, Dora, sa mère
et Madame K.
C'est page 50.
D'ailleurs ce souvenir pose des problèmes de chronologie par
rapport à la suite des événements tels que Freud
a tenté de les reconstituer.
Dora indique que sa mère " aime beaucoup les bijoux et en
a reçu beaucoup de papa. "
Freud lui demande : " Et vous ? "
Dora nous dit qu'elle les aimait beaucoup elle aussi mais qu'elle n'en
portait plus depuis sa maladie.
Et comme mise en relation de contiguïté, Dora évoque
à ce moment cette dispute entre ses parents.
Sa mère voulait des boucles d'oreilles en forme de gouttes d'eau,
et son père, qui ne les aimait pas lui avait offert à
la place de ces perles, un bracelet.
Sa mère furieuse, lui avait dit qu'il " pouvait en faire
cadeau à une autre "
Il y a du dépit.
Est-ce depuis cet événement que Dora ne porte plus de
bijoux ?
Cette dispute est chronologiquement évoquée comme s'étant
passée il y a quatre ans. Elle est comptée à partir
de ce temps d'analyse.
Donc Dora ayant dix-huit ans, au temps de son analyse, cette dispute,
et le début de la maladie de Dora date de ses quatorze ans, c'est
cette année là qu'a eu lieu la scène du magasin.
Est-ce depuis ce temps là que Dora ne porte plus de bijoux ?
Liliane Fainsilber
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