Les renversements dialectiques

dans l’analyse de Dora

Geneviève Abécassis

Lors de son intervention sur le transfert (datant du 1er novembre 1951), Lacan est amené à définir la psychanalyse comme une expérience dialectique.une « expérience qui se déroule toute entière dans ce rapport de sujet à sujet. »

Reprenant l’analyse de Dora, Lacan nous fait remarquer que le cas est exposé par Freud sous la forme d’une série de renversements dialectiques. « Il s’agit d’une scansion de structures où se transmute pour le sujet la vérité, et qui ne touchent pas seulement sa compréhension des choses mais sa position même de sujet dont sont fonction ses objets. »

Lacan repère donc trois principaux renversements dialectiques dans le progrès de cette analyse, deux qui ont pu être effectues par Freud et un troisième, qui pour ne s’être pas produit, à fait chuter l’analyse.Ces trois renversements présentent un peu pour moi comme un jeu de cache-cache, des tours de passe-passe entre « Objet » et « Sujet » ;

1) L’analyse de Dora s’ouvre par un premier développement à travers lequel celle-ci se présente comme « l’objet » d’un odieux chantage.

----Le premier renversement dialectique opéré par Freud- « Regarde, lui fait-il entendre, quelle est ta propre part aux désordres dont tu te plains »-lui restitue une position de sujet.

2) Cette implication subjective va donner lieu à un second développement de la vérité, au cours duquel se précise l’identification de Dora au père, ce qui réoriente le questionnement quant à la jalousie de Dora à l’encontre de la relation amoureuse de son père

----Le second renversement dialectique tient donc à ce que Freud remarque nous dit Lacan que « ce n’est point ici « l’objet » prétendu de la jalousie (le père) qui en donne le vrai motif mais qu’il masque un intérêt pour le « sujet »-rival (Mme K).

3) Apparaît alors un « troisième développement de la vérité », qui révèle l’attachement fascine de Dora pour Mme K qu’elle continue à « couvrir » malgré la trahison de cette dernière.

----Et là, patatras …

Manque à ce moment –là, chez Freud, ce troisième renversement dialectique qui aurait permis à Dora, après avoir épuise le sens de ce qu’elle cherchait en Mme K et par là-même tenté de subjectiver ce qu’il en était de sa féminité, de s’accepter elle_meme comme objet du désir tout en ayant la voie ouverte à l’objet viril.

« Freud, de son propre aveu, fait un erreur sur « l’objet » de désir de Dora, dans la mesure ou il est lui-même trop centre sur la question de l’objet, c’est-à- dire qu’il ne fait pas intervenir la foncière duplicité subjective qui y est impliquée.Il se demande ce que Dora désire avant de se demander qui désire en Dora » (Lacan, Sem.III, P.197) .

Freud, de par son insistance à vouloir designer l’objet de désir de dora en la personne de Mr K (auquel elle était en fait identifiée),ne lui a pas permis de se constituer en tant que sujet féminin (ce qu’elle tentait de réaliser dans son amour pour Mme K) N’ayant pas pu oriente Dora vers ce qu’était pour elle Mme K, Freud n’a pu bénéficié auprès de Dora du prestige qui aurait pu permettre l’avènement du transfert positif et ouvrir à celle-ci la voie de l’objet viril.

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