Métaphore paternelle

III
L'Œdipe, le père et la génitalisation ou l'assomption de son propre sexe
( séance du 15 janvier 1958)

 

Liliane Fainsilber


Donc nous avons déjà repéré que Lacan fait tourner la question de l'Œdipe, autour de trois pôles.
- La question du surmoi et des névroses sans Œdipe.
- La question de l'Œdipe autour de l'acquisition ou des perturbations qui se produisent dans la champ de la réalité ( perversion et psychose )
- La génitalisation.

Il me semble que, de nos jours, ce terme de génitalisation n'est plus beaucoup utilisé. Sans doute Lacan se réfère-t-il à ce texte de Freud ayant pour titre " l'organisation génitale infantile " où il décrit ce primat du phallus, dans les deux sexes, au stade de la phase phallique.
Une phrase mérite d'être isolée pour sa portée : " Le complexe d'Œdipe, ne l'oublions pas au milieu de tellement d'explorations, de questions, de discussions, ceci est presque passé dans l'histoire au second plan, mais reste toujours implicite dans toutes les cliniques. Le complexe d'Œdipe a une fonction normative non pas simplement dans la structure morale du sujet, ni dans ses rapports (avec la réalité), mais dans l'assomption de son sexe, c'est-à-dire quelque chose qui, dans l'analyse, comme vous le savez, reste toujours dans une certaine ambiguïté ".
Plus loin il reprend : " La question de la génitalisation est double, elle est celle, d'une part, qui comporte une évolution, une maturation, et d'autre part, comporte dans l'Œdipe quelque chose qui se réalise qui est l'assomption de son propre sexe, pour appeler les choses par leur nom, qui est le fait qu'un homme assume son type viril, que la femme s'identifie à ses fonctions de femme. La virilisation et la féminisation, voilà les deux termes qui sont essentiellement la fonction de l'Œdipe ".

Dans ce passage, il me semble que Lacan évoque d'une part, l'activité sexuelle en trois temps, le temps de la sexualité infantile qui tombe sous le coup de l'amnésie, la période de latence puis celui de la puberté. Il y a donc plus ou moins implicite une référence corporelle avec la maturation corporelle mais pas seulement puisque avec cette génitalisation, Lacan évoque la fonction de l'Idéal du moi et souligne les liens étroits de l'oedipe et de la fonction du père.

" L'Œdipe et la fonction du père sont une seule et même chose ".
" S'il n'y a pas de père, il n'y a pas d'Œdipe "
" Inversement, parler d'Œdipe, c'est introduire comme essentielle la fonction du père ".

Pour cette troisième partie, concernant les liens de l'Œdipe avec l'assomption du sexe, la question du complexe de castration doit être abordée.

Tout ce qu'on a pu raconter sur les carences paternelles

Et là, Lacan démarre sur le père, l'absence ou la présence du père, la carence paternelle, l'évocation d'un mésentente conjugale, Le père trop sévère ou encore le père trop gentil, " il y a les pères faibles, les pères soumis, les pères mâtés, les pères châtrés par leur femme enfin les pères infirmes, les pères aveugles, les pères bancroches tout ce que vous voudrez. "
Donc voilà ce que Lacan propose comme approche, cette carence porte sur le père en tant que membre du trio fondamental, ternaire, de la famille, c'est-à-dire en tant que tenant sa place dans la famille, mais aussi il fait intervenir également un second élément, la question de la névrose ou de la psychose du père. Il différencie donc " La question du père normal et la question de sa position normale dans la famille ".
Et cette question ne se confond pas non plus encore avec le troisième point que Lacan avance : " parler de sa carence dans la famille n'est pas parler de sa carence dans le complexe ".
" … si c'est sa place dans le complexe dans laquelle nous devons trouver la direction où avancer, la direction pour poser une articulation correcte, interrogeons maintenant le complexe.

Les données du complexe d'Oedipe

- Au début le père terrible. Le père intervient sur plusieurs plans. Il interdit la mère.
" C'est là le principe, le fondement du complexe d'Œdipe, loi d'interdiction de l'inceste.
Vous attendez que je vous dise, sous menace de castration. Oui… "
Mais Lacan indique que c'est en rétorsion de son propre désir de castrer le père, que cette crainte se développe. Le départ de cette crainte de la castration est donc dans " ses propres tendances agressives ".
La question de la castration est dans le champ imaginaire.

- Autre question non moins brûlante pour ne pas dire épineuse, la question de l'Œdipe inversé. " La composante d'amour pour le père ne peut pas être éludée, c'est que c'est elle qui donne la fin du complexe d'Œdipe, le déclin du complexe d'oedipe.
C'est autour de cette question la transformation de l'amour pour le père en identification, avec la transmission des insignes phalliques du fils au père ou au contraire ce que Lacan appelle l'éclatement de la névrose " parce qu'il y a quelque chose de pas régulier dans le titre en question ".

Un détour ou un retour au texte de Freud

En ce point, je vous propose de faire un petit retour ou détour par le texte de Freud, pour repérer d'abord ce que lui nous dit de cette question du déclin de l'Œdipe et notamment de cette question de l'Œdipe inversé qui est pour le garçon, une identification de l'enfant à sa mère, et pour la fille, une identification à son père.

En tout cas ce qu'on touche du doigt, si je peux utiliser cette métaphore, c'est le fait que ce que Lacan appelle génitalisation, c'est-à-dire identification à son propre sexe est purement et simplement identification à l'un ou à l'autre des deux personnages parentaux, au père ou à la mère, mais en fait toujours aux deux. Ce complexe d'Œdipe est vraiment complexe.

C'est évident, une fois qu'on y a pensé mais quand même c'est pas mal de le prendre en compte :
Devenir une femme c'est s'identifier à sa mère. Etre un homme s'identifier à son père.
Il y a d'autres identifications qui peuvent prendre le relais mais quand même celles-là sont fondamentales.

Cette séance sur la métaphore paternelle est tellement foisonnante que je n'ai pas encore réussi à en venir à bout.

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