" L'histoire
libidinale de la jeune fille "
Partie II
de la jeune
homosexuelle
Liliane Fainsilber
Freud déploie l'histoire
libidinale de la jeune fille et compte à partir de celle-ci expliciter
la question qui se pose : Cette homosexualité est-elle acquise
ou innée ? Mais avant même de le démontrer il prend
partie : " A cette occasion on constatera à quel point c'est
la manière même de poser la question qui est stérile
et inadéquate ".
Ce qui m'a frappé
dans ce récit c'est le fait que la jeune fille était en
quelque sorte arrivé beaucoup plus loin que Dora sur les chemins
de sa féminité, au travers des épreuves de l'Oedipe.
C'est tout au moins ce que Freud nous décrit :
- Le changement d'objet, le passage de la mère au père
s'était donc effectué : " Dans ses années
d'enfance la jeune fille était passée par la position
normale du complexe d'dipe féminin
plus tard elle
s'était mise à substituer à son père, son
frère plus âgé qu'elle. "
- la prise en compte de la différence des sexes : " La comparaison
des organes génitaux de son frère avec les siens propres
lui laissa une forte impression dont les répercussions purent
être poursuivies très loin ". Il est dommage que Freud
ne nous en dise pas plus sur ces répercussions. Est-ce que cette
découverte l'avait conduite à assumer sa privation phallique,
ou bien, comme c'est probable, avait-elle refusé cet état
de fait. Ce que Freud a décrit sous le terme " complexe
de masculinité " ?
Ce qui me semble important,
dans cette histoire clinique c'est le fait que cette jeune fille ne
souffrant d'aucun symptôme hystérique, Freud n'avait eu
aucun moyen de pénétrer plus profondément dans
les événements qui avaient marqué son enfance et
ne nous laisse aucun espoir de les découvrir.
Je le cite parce que cette phrase est surprenante : " D'autre part
la jeune fille n'avait jamais été névrosée,
elle n'apporta pas dans l'analyse un symptôme hystérique,
de sorte que les occasions pour que la recherche pénètre
dans l'histoire de son enfance ne risquaient pas de se présenter
de sitôt. "
Freud ne raconte donc son
histoire clinique qu'à partir de la puberté.
Elle commence ainsi :
1 - La jeune fille s'intéresse tout d'abord à un enfant
de trois ans et devient amie de ses parents. Elle témoigne ainsi
d'un puissant désir d'être mère, elle-même.
2 - Un événement
qui fut traumatique pour elle survient ; " une nouvelle grossesse
de sa mère et la naissance d'un troisième frère
alors qu'elle avait environ seize ans.
2 - Elle ne s'intéresse plus alors à des enfants mais
choisit alors comme objets d'intérêt des femmes mûres
mais encore dans la jeunesse - donc comme sa mère. Le père
intervient déjà pour mettre fin à ces premières
manifestations de choix d'objets féminins, plus que féminins
maternels.
3 - La condition être
mère fut ensuite abandonnée dans ses choix d'objet. C'est
là qu'elle avait élu comme objet de sa passion cette femme
demi-mondaine mais qu'elle avait élevée au rang de "
Dame de ses pensées ".
Avec cette Dame nous ne sommes pas très loin de l'image de la
Madone devant laquelle Dora était restée deux heures en
contemplation.
4 - Mais Freud nous découvre
une nouvelle raison de ce choix d'objet qui rejoint bien ce qu'il avait
déjà décrit dans les trois essais sur la théorie
de la sexualité, le fait que l'objet d'amour de cette jeune fille
est en fait " androgyne " homme et femme, selon le mythe d'Aristophane
:
Voici ce qu'en écrit Freud :
" La silhouette élancée, la beauté sévère
et les manières rudes de la dame lui faisaient penser à
son propre frère aîné, un peu plus âgé
qu'elle-même. L'objet qu'elle avait finalement choisi ne correspondait
pas seulement à son idéal féminin, mais aussi à
son idéal masculin, il unifiait la satifaction de la direction
homosexuelle de ses désirs avec celle de leur direction hétérosexuelle
".
Cela rejoint bien ce que j'avais repéré dans le texte
des Trois essais :
" Dans ce cas, comme dans bien d'autres, l'inverti ne poursuit
pas un objet du même sexe que lui, mais l'objet sexuel unissant
en lui-même les deux sexes ; c'est un compromis entre les deux
tendances, dont l'une se porterait vers l'homme et l'autre vers la femme,
à la condition expresse toute fois, que l'objet de la sexualité
possédât les caractères anatomiques de l'homme (
appareil génital masculin) ; ce serait, pour ainsi dire, l'image
même de la nature bisexuelle(ajouté en 1915).
Cette remarque est intéressante parce que c'est par ce biais
là que l'homosexualité rejoint, ou plus exactement, entre
dans le cadre de la structure de la perversion, avec ce qui la spécifie
ce que Freud appelle la " Verleugnung ", le désaveu,
le démenti de la castration.
Il nous reste maintenant à retrouver, dans le texte de la Relation
d'objet, comment Lacan va reprendre chacune des ces transformations
à partir de l'événement traumatique, avec l'aide
du schéma L et en les comparant à la position subjective
de Dora, opposant ainsi ce qu'il en est de la structure de l'hystérie
à celle de la perversion.
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Lacan relit Dora avec le schéma L dans la relation d'objet
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