Le schéma L
Liliane Fainsilber
Le schéma apparaît pour la première fois dans le
séminaire du 2 février 1955 du "moi dans la théorie de Freud et dans la
technique analytique". Il est dessiné ainsi sous le titre "la fonction
imaginaire du moi et l'inconscient".
Il convient de le représenter
sous sa forme première, initiale, avec ses orientations, ses traits pleins
et ses pointillés.
Tout d'abord sur ce schéma nous pouvons repérer deux axes. Le premier
est un axe symbolique qui part du grand Autre pour rejoindre le sujet.
C'est l'axe de ce que Lacan appelle le pacte, de l'engagement, celui
où on dit : "tu es mon maître" ou "tu es ma femme".
Mais c'est aussi celui de la tromperie toujours possible tel cet exemple
que Lacan cite souvent et qu'il a emprunté à Freud : " Pourquoi me dis-tu
que tu vas à Cracovie pour que je crois que tu vas à Lemberg alors que
tu vas à Cracovie?"
Le second axe est l'axe imaginaire qui part du petit autre pour arriver
au moi. C'est l'axe de la relation d'objet, de la constitution des objets
du désir et des identifications multiples y compris bien sûr celles
des identifications oedipiennes.
Ce schéma, il convient de l'examiner de près pour tenir compte notamment
des traits pleins par rapport à ceux qui sont dessinés en pointillés
et aussi du sens des flèches. Il y a en effet sur ce schéma L comme
sur le graphe des sens interdits et des détours obligés.
Le circuit des flèches est en lui-même très énigmatique. Tout part de
A et le point d'aboutissement des deux trajets fléchés est-le moi, en
a.
De même je trouve surprenant que le grand A, le grand Autre, se trouve
mis en correspondance avec le moi, tandis que le S, le sujet est relié
par un trajet fléché en pointillé au petit autre.
Ces interrogations éclairent bien ce que Lacan dit de ce schéma L à
savoir que ce n'est pas un schéma au sens intuitif mais un schéma topologique.
L'axe symbolique est " celui qui inscrit le rapport du sujet
à l'Autre, qui au départ de l'analyse, n'est qu'un rapport virtuel, un
rapport de paroles virtuelles, par quoi c'est de l'Autre que le sujet
reçoit sous la forme d'une parole inconsciente, son propre message qui lui
est interdit, qui est pour lui déformé, arrêté, capté, profondément
méconnu par cette interposition de la relation imaginaire entre le a et le
a', c'est à dire entre ce moi et cet autre qu'est l'objet typique du moi,
c'est à dire en tant que la relation imaginaire interrompt, ralentit,
inhibe, inverse le plus souvent et profondément méconnaît … le rapport de
paroles entre le sujet et l'Autre, le rapport du grand Autre en tant qu'il
est un Autre Sujet, en tant que par excellence il est quelqu'un capable de
tromper ".
C'est par contre à l'axe imaginaire, a a', que certains
analystes font une confiance démesurée, sous cette référence de la
relation d'objet, et méconnaissent donc l'autre axe, symbolique celui-là,
cet axe virtuel qui doit se dessiner progressivement au cours de
l'analyse. C'est ainsi que se produit ce qu'il appelle une déviation de la
théorie analytique.
Mais
cette déviation se produit chaque fois que l'analyste reste, ne serait-ce
que momentanément, le temps de se repérer dans une relation duelle,
imaginaire, avec son analysant.
Au
début de ce chapitre des psychoses que nous avons commencé à travailler,
Lacan évoque, sans le reproduire dans le texte ce schéma L. Il
l'utilise pour décrire le lien du psychotique, de Schreber en
l'occurrence, au personnage de son délire, son Dieu.
Mais
il me semble que nous pouvons aussi nous en servir pour tenter de répondre
à la question que nous nous posions sur ce qu'indique Lacan, qu'il y a un
manque dans le symbolique, une absence de représentation de l'organe
féminin en tant que tel. Ce manque s'incrit dans l'axe symbolique,
puisque, à la place, ce qui s'y déploie, ce qui vient s'y substituer,
c'est le désir d'être désiré, le désir d'être le phallus de la mère, ou du
père. Par contre dans l'axe imaginaire s'y manifestent toutes les
composantes du complexe de castration, avec ce qui les accompagnent, aussi
bien les identifications féminines des hommes, (cf le conducteur de
Tramway) que les identifications viriles des femmes (cf. les
identifications de Dora notamment à Monsieur K.)
Ce
qu'il faudrait davantage expliciter, c'est pourquoi, les deux axes sont en
rapport l'un avec l'autre. C'est là que l'exemple du fantasme de grossesse
rapporté par Winnicott peut nous apporter secours. Ces identifications
au sexe opposé ne sont qu'une façon de tenter de répondre à ce qu'on a cru
déchiffrer du désir de l'Autre. Cela nous met un peu sur la voie me
semble-t-il de ce qui constitue les difficultés de Dora.
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