Le thème de la masturbation ( notes du samedi 12 octobre)

Liliane Fainsilber

Si on essaie de prendre une vue d'ensemble de ces notes de Freud du samedi 12 octobre, on peut en dégager trois thèmes
1 - la question de la masturbation qui occupe une grande partie de la séance.

2 -Son rapport aux prostituées et son besoin de faire un clivage entre des femmes qui peuvent être aimées et celles avec qui ont peut coucher mais non sans quelques réticences et dégoût.

3 - Une "construction" de Freud, ce qu'il appelle ainsi, c'est un événement de la vie sexuelle infantile, sur l'interdit du père concernant la masturbation, qu'il propose à Ernst comme étant un événement de sa vie infantile qui a du exister mais qu'il s'agit maintenant d'authentifier, de vérifier, de confirmer.

4 - Une énonciation des plus anciens souvenirs de Ernst concernant la mort de sa soeur aînée, Helga. La question peut se poser s'ils ne sont pas encore plus anciens que ceux présentés dès la première séance, concernant Melle Robert et Melle Rosa, en tout cas, cette fois-ci ces trois souvenirs concernent directement les parents et un enfant, un enfant-rival qui est mort ( un concurrent de moins )

 

Pour donner sa cohérence sa cohérence à cette série de notes j'ai lu en parallèle le texte des cinq psychanalyses, parce qu'on peut mieux en dégager le fil.
Page 231 et 232 des Cinq psychanalyses, Freud aborde cette question de la masturbation - je ne sais pas si vous vous en souvenez, mais nous l'avions déjà abordée à propos du premier rêve de Dora, quand son père venait la réveiller pour lui éviter de mouiller son lit. Nous avoins relu quelques textes concernant les liens de la masturbation et de l'énurésie infantile - Il doit y en avoir quelques traces sur le site des cinq psychanalyses.
Mais à propos de l'Homme aux rats, Freud écrit ceci : "Les malades sont tous d'accord pour prétendre que l'onanisme, par lequel ils entendent la masturbation de la puberté est la source et la racine première de tous leurs maux" Pourtant tel n'est pas l'avais de Freud " La masturbation de la puberté, qui est un phénomène presque général, ne saurait être rendu responsable de tous les troubles névrotiques. La thèse des malades nécessite une interprétation. Cependant l'onanisme de la puberté n'est en réalité pas autre chose que la réédition de l'onanisme infantile qu'on avait jusqu'à présent négligé et qui atteint généralement une sorte de point culminant entre trois et cinq ans. Or,cet onanisme infantile est en réalité l'expression la plus nette de la constitution sexuelle de l'enfant dans laquelle nous cherchons nous aussi, à voir l'étiologie des névroses ultérieures. De sorte que nous devons dire que les névrosés accusent au fond, sous ce travestissment, leur propre sexualité infantile, et, en cela, ils ont tout à fait raison."
Autrement dit la culpabilité liée à la masturbation est en fait une culpabilité liée aux fantasmes oedipiens qui la soutiennent et qui l'accompagnent.

A propos de l'activité mastrubatoire d'Ernst, concernant le fait qu'elle était liée à des "moments si beaux et si exaltants", Freud lui en donne cet explication " Je lui fis remarquer le trait commun à ces deux exemples : l'interdiction et le fait d'agir à l'encontre du commandement".

Donc dans les deux exemples qu'il donne, effectivement il s'agit d'un interdit, celui de sonner du cor, et puis la malédiction portée par une femme amoureuse, dans fiction et vérité, avec franchissement de cet interdit, quand une autre femme délivre le héros de cette malédiction.
Autrement, de ce que j'ai cru en déchiffrer ce n'est pas à cause de la particulière beauté de ces moments, musicaux ou littéraires que Ernst se masturbe, mais bel et bien parce qu'y est mis en jeu un interdit, interdit qu'il s'autorise à franchir, à braver.

Cette valeur d'interdit se renouvelle à propos de la phrase de sa mère : "Sur mon âme, tu ne feras pas ce voyage".
Cela devient très important pour lui de ne pas céder à ces interdits, puisqu'il faut qu'il soit capable de les enfreindre pour ne pas de devenir "lâche" à ses propres yeux.

Il me semble que c'est par rapport à cet ordre interdicteur de sa mère de ne pas rejoindre sa dame, que cette phrase peut trouver son sens : "Il voulut se persuader qu'il ne devait pas être plus lâche envers lui-même qu'envers les autres et qu'il recommancerait à se masturber s'il persistait dans son intention d'aller rejoindre la dame". Voici comment je l'interprète : si je cède à l'interdiction de ma mère d'aller voir mon amie, je suis lâche envers elle, si je cède à l'interdit que je me pose à moi-même de me masturber, je suis lâche envers moi-même.
Cette position de Ernst permet de repérer que son rapport à l'interdit est en quelque sorte liée à une sorte d'arbitraire, de loi du plus fort, ce qu'on appelle encore loi de la jungle.

Avec cette phrase, la présence de la mère dans cette analyse commence à prendre son poids, son importance. Elle lui fait la loi, et en plus se référent à son âme, c'est à dire qu'elle met si je puis dire Dieu dans sa poche, c'est le Dieu avec nous inscrit sur le ceinturon des soldats nazis.

 

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