Discussion autour
de la névrose obsessionnelle comme un dialecte de l'hystérie
Je crois que l'intérêt de ce journal d'une analyse par
rapport au texte officiel des cinq psychanalyses, c'est d'une part qu'on
en apprend un peu plus sur les liens de Ernst à sa mère,
ce que curieusement, Freud a en grande partie effacé dans les
cinq psychanalyses, mais aussi ce "soubassement " ou ce "substratum"
hystérique de toute névrose obsessionnelle peut y être
retrouvé, non seulement il peut y être retrouvé
mais étroitement noué au désir de Freud. On a commencé
à l'aborder avec ces trois souvenirs concernant la mort d'Helga,
mais ils n'en sont que l'annonce.
Donc il y a d'une part des vraies structures hystériques aussi
bien pour les hommes que pour les femmes, mais il y a aussi cette inévitable
parcelle d'hystérie de toute névrose obsessionnelle, c'est
sur elle qu'est basé le dénouement d'une analyse, car
c'est en son sein que le désir du sujet se trouve noué
au désir de l'Autre, emprisonné, aliéné,
et dont il doit être
libéré. C'est ça, on peut l'évoquer ainsi,
la castration symbolique. C'est là aussi, que Freud a laissé
passer quelque chose, faute d'avoir pu le repérer pour lui-même.
Liliane Fainsilber
__________________
Et c'est pourtant bien Freud, dans son introduction au cas publié
de l'homme aux rats qui parlait de la névrose obsessionnelle
comme d'un "dialecte" de l'hystérie.
J'ai cherché partout à trouver ça chez Lacan tant
j'étais sure que c'était lui qui l'avait amené,
mais en tapant le mot dialecte... introuvable en lacanie. Sans doute
m'avait on indiqué que c'était Lacan qui s'en était
servi et j'en avais oublié la moitié, mais votre message
Liliane et la recherche que vous me faites faire m'a fait redécouvrir
ce qu'on m'a dit cent fois, Lacan lecteur de Freud si perspicace. Freud
note un paradoxe :
" Il faut reconnaître qu'une névrose obsessionnelle
n'est guère facile à comprendre et l'est bien moins encore
qu'une hystérie. Au fond, il aurait fallu s'attendre à
trouver le contraire. Les moyens dont se sert la névrose obsessionnelle
pour exprimer les pensées les plus secrètes, le langage
de cette névrose n'est en quelque sorte qu'un dialecte du langage
hystérique"
Seulement, ça se gâte un peu ensuite.
"Mais c'est un dialecte que nous devrions pénétrer
plus aisément, étant donné
qu'il est plus apparenté à l'expression de notre pensée
consciente que ne l'est celui de l'hystérie. Avant tout il manque
au langage des obsessions ce bond du psychique à l'innervation
somatique-la conversion hystérique - qui échappe toujours
à notre entendement. "(Cinq psychanalyses, P.U.F, 1979,
p. 200.)
Lacan lit que Freud
a bien perçu cette modification de la langue générale
de la névrose hystérique qu'est le langage obsessionnel,
donc le langage privé qu'organise l'obsessionnel à partir
de la langue générale, mais il parle " du langage
des obsessions " comme d'un langage qui se serait arrêté
en chemin, quelque chose manque, pas " d'innervation somatique
"
quand il se met à parler de l'organique, n'est
ce pas une défense ?
Il y a un article intéressant sur le net " La névrose
obsessionnelle, dialecte de l'hystérie"http://equipe.lesiteweb.be/modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=93
Ils citent Lacan : "L'homme ne pense pas avec son âme, comme
l'imagine le Philosophe. Il pense de ce qu'une structure, celle du langage
- le mot le comporte - de ce qu'une
structure découpe son corps, et qui n'a rien à faire avec
l'anatomie. Témoin l'hystérique. Cette cisaille vient
à l'âme avec le symptôme obsessionnel: pensée
dont l'âme s'embarrasse, ne sait que faire". Télévision,
p. 16-17.
Que veut dire Lacan par " l'âme " ?
Marie Pioch
_________
Bonjour Marie, vous
avez eu une bonne idée d'évoquer cette question du dialecte
de la névrose obsessionnelle par rapport à la langue de
l'hystérie, je vous réponds au sujet de ce qui peut paraître
une opposition, voire une contradiction, entre ce dialecte et ce soubassement
hystérique de toute névrose obsessionnelle, qui est progressivement
mis à nu au cours de l'analyse. C'est que quand il s'agit de
soubassement il s'agit de la structure de la névrose obsessionnelle,
je dirais son échafaudage, sa construction, tandis que quand
il s'agit de ce dialecte, il me semble que ce qui est en question pour
Freud, c'est une question de déchiffrage et donc d'interprétation
des symptômes.
Vous demandez ce que c'est que l'âme, je ne sais dans quel sens,
à propos de cette cisaille, Lacan l'emploie, mais je dirais bien
que c'est peut-être dans son sens étymologique de psyché,
donc il se réfère au symptôme psychique de l'obsessionnel,
ces compulsions, ses ordres reçus, ces commandements qui s'opposent
au corporel du symptôme hystérique.
Mais je voudrais revenir sur cette question du dialecte qui est un mot
que j'aime bien, pour évoquer un autre texte de Freud où
cette fois-ci, il ne parle plus de dialecte mais de langues différentes.
C'est un texte passionnant qui a pour titre "L'intérêt
de la psychanalyse" ayant comme sous chapitre "L'intérêt
pour les sciences du langage" Et oui Freud n'avait pas attendu
Lacan pour s'intéresser à la linguistique !
J'en extrais ce passage que je trouve magnifique :
" La langue du rêve peut-on dire, est le mode d'expression
de l'activité psychique inconsciente. Mais l'inconscient parle
plus qu'un simple dialecte. Parmi les conditions psychologiques modifiées
qui caractérisent les formes particulières de névroses
et les distinguent les unes des autres, se trouvent aussi de constantes
modifications de l'expression concernant les motions psychiques inconscientes.
Alors que la langue gestuelle de l'hystérie coïncide avec
la langue pictographique du rêve, des visions, etc... pour la
langue de pensée de la névrose obsessionnelle et de la
paraphrénie se présentent des formations idiomatiques
particulières .... Ce qu'une hystérique par exemple représente
par des vomissements, cela s'exprimera chez un malade obsessionnel par
de méticuleuses mesures de précaution contre une infection
et provoquera chez un paraphrénique une plainte ou un soupçon
qu'on est entrain de l'empoisonner. Ce qui trouve ici un expression
si diverse, c'est le désir refoulé dans l'inconscient,
d'engrossement, et d'autre part la résistance de la personne
malade contre celui-ci".
N'est-ce pas une approche rigoureuse et incontestable de ce qu'est la
notion de structure en psychanalyse, et de ce qui donne au travail de
l'analyste, ses points d'appuis cliniques et ce dont dépend,
ce qu'on appelle certes d'une façon un peu guindée, peut-être
même un peu pompeuse, la technique. Amicalement. Liliane.
Ce texte est dans le volume I de résultats, idées problèmes.
En ce qui me concerne, j'aime bien lire Lacan et pour cause, mais quand
même je suis toujours très épatée par Freud.
Je lui tire mon chapeau.
Liliane Fainsilber
Retour
séance du samedi 12 octobre
|