Discussion
autour de ce "Knof" problème de traduction mais aussi
de sens

" Je sais par
expérience qu'il faut une longue habitude pour transcrire une
écriture manuscrite, et la traductrice l'avait sans doute de
celle de Freud. En remplaçant Knopf par Kopf, cette phrase du
père pourrait devenir "tu finiras bien par devenir moins
têtu", je ne sais pas ce qu'en pense Catherine, j'y mets
peut-être de mon interprétation à moi ? "
Gabrielle
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Je n'étais
pas arrivée jusque à cette question de traduction ou de
lecture du manuscrit entre " knopf " ou " kopf "
que soulevait l'autre jour Gabrielle. Je m'étais en effet arrêtée
à l'entonnoir de Nuremberg qui était, ne l'oublions pas,
un instrument de torture qui n'est donc pas sans évoquer le supplice
des rats de sa grande obsession.
J'avoue en effet
ne pas comprendre du tout ce passage, parce que ce mot qui a été
traduit un première fois par "caillot" dans ce trouble
qu'évoque Ernst " Il a la sensation d'avoir un caillot dans
la tête" puis est repris dans l'expression qu'utilisait souvent
son père " un jour le bouton ne manquera pas d'éclore
chez toi " Il faudrait pouvoir utiliser le même mot dans
la traduction en français entre la phrase du père et la
sensation qu'il éprouve dans sa tête.
Il doit y avoir en effet un problème de traduction ou de déchiffrage
du manuscrit.
Peut-être est-ce l'expression du père " le bouton
qui ne manquera pas d'éclore chez toi " qui provoque une
équivoque que nous ne sommes pas à même de saisir.
C'est possible parce que, pour Freud, à la fois, l'interprétation
de son rêve, " l'émotion épouvantable qu'il
ressent à son réveil ", le coup qu'il se donne contre
son bois de lit, sa sensation d'avoir un caillot dans la tête,
ne lui pose pas problème : il redonne son importance à
ce qui a été " l'agent provocateur " de ce rêve
et que Ernst n'a pas pris en compte : sa promenade avec sa dame qui
ne s'est pas bien terminée, puisqu'ils ont rencontré l'un
de ses rivaux, un médecin célibataire qui a été
traité par elle avec une grande amabilité, une trop grande
amabilité.
Il était donc, lui dit Freud, très en colère et
très jaloux. Sa colère se porte sur sa dame et aussi sur
ce médecin.
Liliane
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je vous livre un
peu en vrac et sans élaboration quelques éléments
concernant la traduction :
Le mot Knopf = bouton vient du mot Knoten = nud (on trouve aujourd'hui
encore ce lien dans le verbe " knüpfen ", qui condense
les deux termes) ;
Knoten désigne aussi, dans le sens médical une grosseur,
un kyste, c'est probablement dans ce sens qu'Ernst l'emploie ici : il
a une grosseur sanguinolente dans la tête.
L'expression toute faite utilisée par le père d'Ernst,
" der Knopf wird dir schon aufgehen ", signifie, au pied de
la lettre : " le bouton finira bien par s'ouvrir chez toi ",
dans le sens " tu finiras bien par comprendre ".
Dans la Gesammelte Werke on a déchiffré et transcrit Knopf
(et non Kopf) ; la lecture des traducteurs de la S.E. de Kopf (au lieu
de Knopf) ne renvoie à aucune expression existante, elle semble
découler de ce qui précède : l'idée de se
faire un trou dans la tête pour que s'écoule la partie
malade du cerveau, et la référence à l'entonnoir
de Nuremberg qui permet de faire " entrer les choses dans la tête
" par une méthode qui facilite l'apprentissage (l'expression
renvoie à un ouvrage du 17ème siècle avec pour
titre amusant : " L'entonnoir poétique, poésie et
art de la rime allemands..., à verser dedans la tête en
six heures ", G. Ph. Harsdörffer).
Quelques expressions allemandes (avec Knoten/Knopf ou Kopf) intéressantes
par rapport à notre lecture :
1° etwas geht/will jemandem nicht in den Kopf [hinein] : qqch ne
veut pas (r)entrer dans la tête de qq'un, qq'un ne veut pas admettre/comprendre
qqch
2° etwas geht/will jemandem nicht aus dem Kopf (=etwas beschäftigt
jemanden dauernd) : qqch préoccupe qq'un, ne veut pas lui sortir
de la tête, l'obsède
3° sich etwas aus dem Kopf schlagen (= einen Plan o.ä. aufgeben,
nicht länger darüber nachdenken) : au pied de la lettre se
frapper qqch hors de la tête - comme Ernst se frappe la tête
contre le bois de lit ; abandonner un plan ; cesser de réfléchir,
de penser à une chose
4° bei jemandem ist der Knoten geplatzt/gerissen (= jemand hat endlich
etwas verstanden) : le noeud s'est défait chez qq'un (il a explosé,
s'est déchiré), signifie que qq'un a enfin compris qqch/une
chose ; voir l'expression utilisée par le père d'Ernst
pour le sens commun aux deux mots Knoten et Knopf
5° den Kopf hinhalten müssen (=für etwas geradestehen
müssen) : au pied de la lettre : devoir tendre la tête -
comme on tend les doigts pour être puni ; devoir assumer qqch
6° sich den Kopf zerbrechen : se casser la tête
(ça fait bcp d'allemand mais c'est peut-être intéressant
pour ceux qui y entendent qqch...)
J'en profite pour attirer votre attention sur une autre phrase dont
la traduction est inexacte ou pour le moins ambiguë en ce qui concerne
l'interdiction précisément ; au lieu de " ... tout
aussi bien pourrait me venir l'interdiction de ne plus me laver "
- il devrait se laver, donc ? - il faut lire : " ... tout aussi
bien pourrait me venir l'interdiction : je ne dois plus me laver "
- il ne devrait/ne doit plus se laver.
Catherine
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notes du vendredi 18 octobre
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