La Névrose obsessionnelle (suite)

Geneviève Abecassis

 

 


Nouvelles remarques sur les psychonévroses de défense


Dans cet article de 1896 Freud commence par réaffirmer sa tendance à faire de la défense le point nucléaire des psychonévroses.

La notion nouvelle qui apparaît par rapport aux deux autres articles, c'est celle du refoulement ;dans une petite note à propos de l'étiologie de l'hystérie il expose sa théorie du refoulement :

" Une théorie du refoulement devrait également rendre compte du fait que seules des représentations à contenu sexuel peuvent être refoulées ; elle pourrait partir des indications suivantes : la représentation à contenu sexuel provoque, on le sait ,des processus d'excitation dans les organes génitaux semblables à ceux qui viennent de l'expérience sexuelle elle-même. On peut admettre que cette excitation somatique se transforme en excitation psychique… Lorsque l'expérience sexuelle arrive à l'époque de l'immaturité sexuelle et que son souvenir est réveillé pendant ou après l'époque de maturation, alors le souvenir agit par une excitation incroyablement plus forte que ne l'avait fait en son temps l'expérience ; en effet entre-temps la puberté a immensément augmenté la capacité de réaction de l'appareil sexuel. Or c'est cette relation inversée entre l'expérience réelle et le souvenir qui semble recéler la condition psychologique pour le refoulement. La vie sexuelle -en raison du retard de la maturité pubertaire par rapport aux fonctions psychiques -offre la seule possibilité pour que se produise cette inversion de l'efficacité relative ;
Les traumatismes infantiles agissent après-coup comme des expériences neuves mais de manière inconsciente. "


La seconde partie de cet article est consacrée à l'étude de l'essence et du mécanisme de la " Névrose Obsessionnelle ". Auparavant, il ne parlait que " d'obsessions "

Si l'on retrouve la présence d'expériences sexuelles précoces, à la différence de l'hystérie, ici, elles ne sont pas simplement subies par un sujet passif, mais il s'agit " d'agression pratiquée avec plaisir, d'une participation, éprouvée avec plaisir à des actes sexuels : donc d'une activité sexuelle "

D'où, remarque-t-il, la préférence visible de la N.O. pour le sexe masculin. Il nous dit cependant avoir trouvé dans tous ses cas de N.O. un substratum de symptômes hystériques , et que ceux -ci se laissaient ramener à une scène de passivité sexuelle qui avait précédé l'action génératrice de plaisir.
Le choix de la Névrose ,hystérie ou N.O., lui pose encore problème et il suppose que le point décisif du choix dépend des relations temporelles dans le développement de la libido.( ?)

L'essence de la N.O.est simple : les obsessions sont invariablement des reproches transformés, faisant retour hors du refoulement, et se rapportant toujours à une action sexuelle de l'enfance accomplie avec plaisir.

Freud distingue quatre périodes dans la genèse de la N.O.

1) La toute première enfance, période de l'immoralité infantile,avec :

-- les expériences de séduction sexuelle qui vont rendre possible le refoulement
--les actes d'agression sexuelle qui apparaîtront plus tard comme actions passibles de reproche.

2) L'apparition de la maturation sexuelle souvent anticipée.

C'est à ce moment-là qu'un reproche s'attache au souvenir des actions génératrices de plaisir, la relation avec l'expérience initiale de passivité permet -après des efforts conscients dont le sujet se souvient (?)- de refouler ce reproche et de le remplacer par un symptôme de défense primaire.

3) On entre alors dans la troisième période,avec la mise en place des symptômes tels que la scrupulosité, la honte, la méfiance de soi, " période de santé apparente, mais en fait de défense réussie "

4) Cette période, celle de la maladie est caractérisée par le retour des souvenirs refoulés, donc par l'échec de la défense.
Les souvenirs réactivés et les reproches formés à partir d'eux n'entrent jamais dans la conscience sans être modifiés : ce qui devient conscient comme représentations obsédantes et affects obsédants,ce qui remplace pour la conscience le souvenir pathogène ,ce sont des formations de compromis entre les représentations refoulées et refoulantes.


Maintenant les choses commencent à se corser

Freud est amené à distinguer deux formes de névrose obsessionnelle selon : -- que seul le contenu mnésique de l'action passible de reproche se force l'accès à la conscience .
--ou que l'affect de reproche lié à cette action l'accompagne.

I -- Dans la première forme de N.O., le contenu de la représentation obsédante est déformé d'une façon double par rapport par rapport à l'action compulsive de l'enfance (n.b. première utilisation du terme de compulsif) : quelque chose d'actuel est mis à la place du passé
le sexuel se voit substituer un analogue non sexuel,
ce qui est dû à la tendance au refoulement toujours en vigueur et attribuée au " moi ".

L'influence du souvenir pathogène réactivé se révèle en ceci que le contenu de la représentation obsédante est encore partiellement identique au refoulé ou bien se déduit par un enchaînement correcte de pensées.

Dans l'analyse d'une obsession unique, on découvre qu'à partir d'une impression actuelle, deux suites de pensées tout aussi logiques l'une que l'autre ont été mises en branle, même si celle qui est passée par le chemin du souvenir refoulé est incapable de conscience e t incorrigible.

S'il y a un désaccord entre les résultats des deux opérations psychiques, pas de résolution logique de la contradiction,mais, à côté du résultat de pensée normale, une représentation absurde entre dans la conscience, comme compromis entre la résistance et le résultat de pensée pathologique .
Si les deux suites de pensée arrivent à la même conclusion, elles se renforcent l'une l'autre, si bien qu'un résultat de pensée normale se conduit comme une obsession.

Tout ça pour conclure que chaque fois que la compulsion névrotique apparaît dans le psychisme , elle provient du refoulement.

II-La seconde forme de N.O. correspond au cas où c'est le reproche, également refoulé, et non pas le contenu mnésique refoulé qui parvient par force à se faire représenter dans la vie psychique.
Cet affect peut, grâce à une addition psychique se transformer en n'importe quel autre affect de déplaisir.
Ainsi le reproche se transforme avec facilité en honte,en angoisse hypocondriaque,en angoisse sociale,en angoisse religieuse, en délire d'observation, en angoisse de tentation.
Par ailleurs le contenu mnésique de l'action, passible de reproche, peut être conjointement représenté dans la conscience, ou rester absent,ce qui rend difficile le diagnostic (par ex . de nombreux cas de neurasthénie ou mélancolie périodique peuvent se ramener à des affects obsédants ou des représentations obsédantes )

1) Tous ces symptômes de compromis, qui représentent un retour du refoulé et un échec de la résistance qui avait été réussie à l'origine relèvent de la défense primaire


2) Mais le moi pour se défendre contre ces rejetons du souvenir refoulé crée des symptômes, constituant la défense secondaire : ce sont tous des mesures de protection qui ont rendu de grands services dans le combat contre les représentations obsédantes et les souvenirs obsédants .
La défense secondaire contre les représentations obsédantes peut s'effectuer par une dérivation forcée sur d'autres pensées,si possible de contenu contraire ; la rumination compulsive porte sur des choses abstraites et suprasensibles par opposition à la sensualité liée au contenu des représentations refoulées.(compulsion de pensée et de vérification-maladie du doute).

3)En cas de réussite de ces auxiliaires à refouler à nouveau les symptômes du retour du refoulé, alors la compulsion se transfère aux mesures de protection elles-mêmes, créant une troisième forme de N.O., les actions compulsives. Elles ne contiennent jamais autre chose qu'une défense, jamais une agression. ex. mesures d'expiation( avec rituel pesant,observance de nombre), mesures de précaution (phobies,superstitions, maniaquerie, augmentation de la scrupulosité), mesures de crainte de la trahison(collection de papiers),mesures pour s'étourdir(dipsomanie)
Parmi ces actions et impulsions compulsives, ce sont les phobies qui jouent le plus grand rôle comme limitations apportées à l'existence du malade.



Il existe plusieurs combinaisons possibles entre ces différents modes de défense :
--Il est des cas où l'on peut observer comment la compulsion se transfère de la représentation ou de l'affect aux mesures de protection =défense primaire
--D'autres cas où la compulsion oscille périodiquement entre le symptôme de retour et le symptôme de défense secondaire =jeu entre défense primaire et défense secondaire)
--D'autres cas où le souvenir refoulé est directement représenté par la mesure de défense apparemment primaire. En fait ici est atteint d'un bond le stade final de la N.O., sans le combat défensif=stade 3),celui des actions compulsives avec fixation de cérémonials,folie du doute généralisée,existence d'excentrique conditionné par les phobies.


Enfin Freud termine cette étude par deux remarques :

--La première portant sur le fait que le malade n'accorde aucune crédibilité à la représentation obsédante ni à tout ce qui en dérive ; la formation ; ce qui est dû lors du premier refoulement à la formation du symptôme de défense, la scrupulosité, symptôme qui a acquis une valeur compulsive et qui permet au malade de croire qu'il a vécu moralement pendant toute la période de la défense réussie

--La compulsion (Zwang) des actions psychiques décrites est indépendante du fait qu'il leur soit accordé croyance et ne doit pas être confondue avec ce qui s'appelle force ou intensité d'une représentation.

Elle est irréductible par l'activité psychique de conscience et ne dépend d'aucune manière de la représentation à laquelle elle s'attache.

La seule cause de ce caractère inattaquable de la représentation ou obsédante ou de ses dérivés est sa relation avec le souvenir refoulé de la première enfance, car lorsque l'on arrive à rendre celui-ci conscient ,alors la compulsion est réduite elle aussi .