L'homme aux rats
sixième séance

Liliane Fainsilber

 


Rétrospective des cinq premières séances :

La première rencontre de Freud et de Ernst : nous apprenons qu'il souffre d'obsessions et nottament de la crainte qu'il n'arrive quelque chose à deux personnes qu'il aime beaucoup. Or de ces deux personnes, il y en a une qui est déjà morte. C'est son père.
On peut dire que c'est le seul entretien préliminaire.

La première séance, il raconte ses souvenirs d'enfance avec des femmes qui lui avaient accordé quelques faveurs, Melle Robert et Melle Rosa et un souvenir cuisant de son adolescence où un jeune homme s'éatit prétendu son ami, pour avoir en fait l'occasion de rencontrer l'une de ses soeurs. A son dire, ce fut là le "plus grand choc de sa vie".

Au cours de la seconde et de la troisième séance il raconte avec force détails sa grande obsession des rats et Freud arrive, non sans mal à en reconstituer l'enchaînement des faits ainsi que le parcours, car il se déplace beaucoup et notamment en train pour pouvoir s'acquitter en vain de sa dette, puisque celui à qui il veut rendre cet argent - l'argent du pince-nez, n'en veut pas, puisque ce n'est pas lui qui a payé. Rappelons que s'il ne peut donner cet argent à David, son père et sa dame seront condamnés à subir le supplice des rats, c'est à dire qu'on leur introduira dans l'anus deux rats affamés.

Puis brusquement, à la quatrième séance, il lâche si on peut dire le fil de son obsession et entreprend de raconter les circonstances de la mort de son père et comment - un an et demi après, à l'occasion du décès de l'une de ses tantes, il se reprocha le fait de s'être endormi pendant que son père rendait son dernier soupir. C'est là qu'il commence à se prendre pour un criminel.
Freud commence à argumenter avec lui sur le fait qu'il y a une mésalliance entre ce qu'il se reproche et l'intensité de l'affect qu'il éprouve à ce propos et que donc il convient de retrouver la représentation refoulée qui est liée pour de bon à ce reproche.
A la cinquième séance, ils rediscutent à nouveau de cette question et Ernst se demande notamment comment une fois cette représentation refoulée retrouvée, il pourra être libéré de cet affect. Il met cela en doute.

Sixième séance :

Est-ce qu'on ne peut pas dire que cette représentation refoulée commence quand même à montrer le bout de son nez : le désir de la mort de son père commence à être formulée mais sous un forme énergiquement déniée ?

- Première forme : Il se souvient d'avoir pensé, à propos d'une petite fille que si son père mourrait, elle se montrerait très gentille avec lui.
- Deuxième forme, six mois avant la mort de son père, à propos de sa Dame : " Par la mort de son père, il deviendrait peut-être tellement riche qu'il pourrait se marier" ( il ne pouvait pas le faire à cause de difficultés matérielles )
Remarque : est-ce pour cela qu'il avait confié la gestion de sa part d'héritage à sa mère ?

- troisième forme, la veille de la mort de son père, l'idée revint mais très atténuée : "je peux maintenant perdre ce que j'ai de plus cher"
Je ne comprends pas bien comment se manifeste le désir de cette mort. Est-ce dans le fait de pouvoir ?
S'il peut le perdre c'est qu'il accepte cette perte, elle devrait lui être impossible à admettre donc qu'il la désire.

Il y a tout de suite après une phrase très surprenante - le traducteur mentionne qu'on ne sait pas si c'est un lapsus de Freud ou de Ernst qui est celle-ci :
"Cela est d'autant plus merveilleux, dit-il, qu'il est sûr de n'avoir jamais pensé qu'il pût souhaiter la mort de son père". Ce mot "merveilleux" mis au lieu d'"étonnant" s'explique en allemand
wunderbarer
wunderlicher


Toute cette séance peut être mise sous le signe de la dénégation comme étant la marque du retour du refoulé. tout en niant absolument l'avoir jamais éprouvé, il ne parle que de cela pendant toute cette séance.

Cela est donc un très bel exemple clinique de ce que Freud a décrit dans son texte "La dénégation et notamment concernant cette partie :
" La façon dont nos patients présentent ce qui leur vient à l'esprit pendant le travail analytique nous donne l'occasion de faire quelques observations intéressantes. "Vous allez penser maintenant que je veux dire quelque chose d'offensant, mais je n'ai réellement pas cette intention". Nous comprenons que c'est le refus d'une idée qui vient d'émerger, par projection. Ou, "vous demandez qui peut être cette personne dans le rêve. Ma mère, ce n'est pas elle". Nous rectifions donc, c'est sa mère. Nous prenons la liberté, lors de l'interprétation, de faire abstraction de la négation et d'extraire le pur contenu de l'idée. C'est comme si le patient avait dit "pour moi, c'est vrai, ma mère m'est venue à l'esprit à propos de cette personne, mais je n'ai nulle envie de laisser prévaloir cette idée".

Tout comme avec ce "non, ce n'est pas ma mère", on peut extraire de cette affirmation :" je suis sûr de ne jamais avoir souhaité la mort de mon père" "le pur contenu de l'idée."

 

Retour Sixiéme séance

Retour Séances après séances