Trois fils
de lecture du chapitre II
" L'Etat morbide "
Trois fils de lecture peuvent
être suivis dans ce deuxième chapitre de Dora, intitulé
l'Etat morbide.
A - L'histoire familiale de Dora avec la rencontre de la famille K.
ainsi que le chassé croisé qui s'en suivit : Le père
de Dora ami avec Madame K. et Monsieur K. ami avec Dora.
B - L'histoire chronologique des symptômes de Dora, scandés
par les événements traumatiques autour desquels s'étaient
organisés ses symptômes hystériques.
C - L'histoire de l'invention de la psychanalyse avec les progrès
théoriques que Freud décrit en l'entremêlant à
l'histoire clinique de Dora.
Ces trois fils sans cesse intriqués l'un à l'autre rendent
très difficiles la mise à plat de ce texte.
C'est le dernier fil, celui du progrès théorique que je
vais suivre de la page 7 à la page 46.
Pour ceux qui n'auront pas la patience de tout lire j'ai préparé
ce plan :
PLAN
DU CHAPITRE II
1 - LA PLACE DE L'INTERPRETATION DES REVES DANS LE TRAVAIL DE
L'ANALYSE
2 - LES AMNESIES
DANS LE RECIT DES MALADES
3 - L'IMPORTANCE
DE L'HISTOIRE FAMILIALE
4 - LES FACTEURS
SEXUELS DANS LA NEVROSE
5 - L'EVENEMENT TRAUMATIQUE
POINT D'ORIGINE DU SYMPTOME
6 - FORMATION DES
SYMPTOMES AUTOUR DU TRAUMA
7 - FORMATION DES
SYMPTOMES AUTOUR DU TRAUMA
8 - " ENTRE
LA MERDE ET L'URINE, NOUS SOMMES NES "
9 - LA COMPLAISANCE
SOMATIQUE DE L'HYSTERIE
10 - LE CHOIX DE
LA NEVROSE : DIFFERENCES ENTRE HYSTERIE, NEVROSE OBSESSIONNELLE
ET PHOBIE
11 - LES MOTIFS DE
LA MALADIE
A- UN CORRECTIF DE
1923 CONCERNANT LE MOTIF PRIMAIRE DE LA MALADIE
B - LES MOTIFS DE LA MALADIE EMPECHENT DE GUERIR
C - UNE FORME DE MOTIF QUI FAIT EGALEMENT OBSTACLE A LA GUERISON
ET QU'IL NE FAUT PAS LAISSER ECHAPPER : LE BESOIN DE PUNITION
15 - DU SYMPTOME
AU FANTASME
16 - L'INTERPRETATION
FAIT DISPARAITRE LE SYMPTOME
17 - LA PERVERSION
POLYMORPHE INFANTILE
18 - LE FANTASME
FONDAMENTAL DE DORA
19 - ET LE SOUVENIR
ECRAN QU'ELLE EN A
20 - LA COMPOSANTE
HOMOSEXUELLE DU FANTASME HYSTERIQUE : L'AMOUR GYNECOPHILE DE
DORA ET SA HAINE DU PERE COMME OBJET RIVAL. CES TROIS PAGES
PREPARENT LA NOTE 2 DE LA PAGE 77-78.
___________________________
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J'ai repris chacun de ces titres en y rajoutant les parties du texte
qui y correspondent :
1 - La place de l'interprétation des rêves dans le travail
de l'analyse
(p. 7) : " Après avoir démontré dans ma Science
des rêves, publiée en 1900, que les rêves peuvent
généralement être interprétés et remplacés,
une fois le travail d'interprétation accompli, par des pensées
d'une forme irréprochable, susceptibles d'être insérées
à un endroit déterminé du contexte psychique, j'aimerais
donner dans les pages suivantes un exemple de cette utilisation pratique
que semble permettre l'art de l'interprétation des rêves.
J'ai déjà mentionné dans mon livre de quelle manière
j'ai été conduit aux problèmes du rêve. Je
les ai trouvés sur mon chemin en m'efforçant de guérir
les psycho-névroses par un procédé particulier
de psychothérapie et, lorsque les malades me rapportaient, entre
autres événements de leur vie psychique, leurs rêves
qui semblaient exiger d'être interpolés dans le long enchaînement
remontant des symptômes morbides à l'idée pathogène,
j'appris alors à traduire, dans le mode d'expression habituel
et direct de notre pensée, le langage du rêve ".
2 - Les amnésies
dans le récit des malades
" L'ordre chronologique
est toujours l'élément le plus vulnérable des souvenirs
et celui qui subit le premier l'effet du refoulement. Nous trouvons
certains souvenirs, pour ainsi dire, au premier stade du refoulement:
ils sont chargés de doute. Ce doute ne manquerait pas d'être
un peu plus tard remplacé par un oubli ou par un faux souvenir
".
L'amnésie disparaît en même temps que les symptômes
:
" Ce n'est que vers la fin du traitement qu'on peut embrasser d'un
coup d'il une histoire de la maladie conséquente, compréhensible
et complète. Si le but pratique du traitement est de supprimer
tous les symptômes possibles et de leur substituer des pensées
conscientes, il en est un autre, le but théorique, qui est la
tâche de guérir les lésions de mémoire du
malade. Les deux buts coïncident; si l'un est atteint, l'autre
l'est aussi; un même chemin mène aux deux ".
3 - L'importance de l'histoire
familiale
" Par la nature des choses qui forment le matériel de la
psychanalyse, nous devons prêter dans nos observations autant
d'attention aux conditions purement humaines et sociales où se
trouvent les malades qu'aux données somatiques et aux symptômes
morbides. Nous nous intéresserons avant tout aux rapports de
famille de la malade et cela, comme nous l'allons voir, pour d'autres
raisons encore que le seul examen de l'hérédité
".
4 - Les facteurs sexuels
dans la névrose
" En voici un exemple. (note) Un de mes confrères viennois,
convaincu que les facteurs sexuels étaient sans importance dans
l'hystérie, conviction probablement affermie par des expériences
analogues à celle qui suit, se décida à poser à
une fillette de 14 ans, souffrant de vomissements hystériques
violents, cette question désagréable : " N'avez-vous
pas eu par hasard une affaire de cur ? L'enfant répondit
que non, probablement avec un étonnement bien joué, et
raconta en termes peu respectueux à sa mère: " Pense
donc, ce stupide bonhomme m'a même demandé si j'étais
amoureuse. .Elle se fit plus tard soigner par moi, et il se révéla,
mais pas au cours du premier entretien, qu'elle s'était pendant
de longues années adonnée à la masturbation accompagnée
de fortes pertes blanches (qui étaient en rapport étroit
avec le vomissement) ; elle s'était déshabituée
d'elle-même de la masturbation, mais fut tourmentée dans
l'état d'abstinence qui suivit par les sentiments de culpabilité
les plus violents, de sorte qu'elle envisageait tous les malheurs arrivés
à sa famille comme le châtiment divin de son péché.
Elle était, à part cela, sous l'influence du roman d'une
sienne tante dont la grossesse illégitime (seconde détermination
du vomissement) lui avait été soi-disant dissimulée.
"
5 - L'événement
traumatique point d'origine du symptôme
Dora me communiqua un événement antérieur, bien
plus propre que l'autre à agir comme traumatisme sexuel. Elle
était alors âgée de 14 ans, M. K... avait convenu
avec elle et sa femme que les dames se rendraient dans l'après-midi
à son magasin pour regarder de là une solennité
religieuse. Mais il décida sa femme à rester chez elle
et donna congé aux employés. Lorsque la jeune fille entra
dans le magasin. il se trouvait seul. Quand le moment où devait
passer la procession fut proche, il pria la jeune fille de l'attendre
auprès de la porte qui menait du magasin à l'escalier
de l'étage supérieur, pendant qu'il abaisserait les persiennes.
Il revint ensuite et, au lieu de sortir par la porte ouverte, il serra
la jeune fille contre lui et l'embrassa sur la bouche. Il y avait bien
là de quoi provoquer chez une jeune fille de 14 ans, qui n'avait
encore été approchée par aucun homme, une sensation
nette d'excitation sexuelle. Mais Dora ressentit à ce moment
un dégoût intense, s'arracha violemment à lui et
se précipita, en passant à côté de l'homme,
vers l'escalier et, de là, vers la porte de la maison ".
6- Formation des symptômes autour du trauma
" Il est remarquable qu'ici trois symptômes - le dégoût,
la sensation de pression sur la partie supérieure du corps et
l'horreur des hommes en tête à tête tendre avec une
femme - résultent d'un événement unique et que
seul le rapprochement de ces trois indices rend intelligible le processus
de la formation des symptômes. Le dégoût correspond
à un symptôme de refoulement de la zone érogène
labiale " gâtée " comme nous allons l'apprendre,
par le suçotement infantile.
.
La pression du membre érigé a probablement eu pour résultat
une modification analogue de l'organe féminin correspondant,
du clitoris, et l'excitation de cette seconde zone a été
rattachée et fixée, par déplacement, à la
sensation simultanée de pression sur le thorax. L'horreur des
hommes susceptibles de se trouver en état d'excitation sexuelle
reproduit le mécanisme d'une phobie, et cela pour se prémunir
contre une nouvelle répétition de la perception refoulée
".
7 - " Entre la merde
et l'urine, nous sommes nés "
" La sensation de dégoût
semble primitivement être une réaction à l'odeur
(plus tard aussi à l'aspect) des déjections. Or, les organes
génitaux de l'homme, et en particulier le membre viril, peuvent
rappeler les fonctions excrémentielles, car l'organe y sert,
en dehors de la fonction sexuelle, à celle aussi de la miction.
Cette fonction est même la plus anciennement et la seule connue
à l'époque présexuelle. De cette façon,
le dégoût devient une expression affective de la vie sexuelle.
C'est le inter urinas et faeces nascimur du Père de l'Église
qui est inhérent à la vie sexuelle et qui ne s'en laisse
pas séparer, malgré tous les efforts d'idéalisation
".
8 - La complaisance somatique
de l'hystérie
" Rappelons-nous ici qu'on s'est souvent demandé si les
symptômes de l'hystérie étaient d'origine psychique
ou somatique. Une fois l'origine psychique admise, l'on peut encore
se demander si tous les symptômes de l'hystérie sont nécessairement
déterminés psychiquement. Cette question, comme tant d'autres
auxquelles des chercheurs assidus s'efforcent en vain de répondre,
est mal posée. Le véritable état de choses n'est
pas renfermé dans cette alternative. Pour autant que je puisse
le voir, tout symptôme hystérique a besoin d'apport des
deux côtés. Il ne peut se produire sans une certaine complaisance
somatique qui se manifeste par un processus normal ou pathologique dans
ou sur un organe du corps. Ce processus ne se produit qu'une fois -tandis
que la faculté de répétition fait partie du caractère
du symptôme hystérique -s'il n'a pas de signification psychique,
de sens. Ce sens, le symptôme hystérique ne l'a pas de
prime abord, il lui est conféré, il est en quelque sorte
soudé avec lui, et peut être différent dans chaque
cas, selon la nature des pensées réfrénées
qui cherchent à s'exprimer.
9 - Le choix de la névrose : différences entre hystérie,
névrose obsessionnelle et phobie
" Les processus psychiques sont, dans toutes les psychonévroses,
pendant un bon bout de chemin les mêmes, c'est ensuite seulement
qu'entre en ligne de compte la complaisance somatique qui procure aux
processus psychiques inconscients une issue dans le corporel. Là
où ce facteur ne joue pas, cet état n'est plus un symptôme
hystérique, mais quand même quelque chose d'apparenté,
une phobie, par exemple, ou une obsession, bref un symptôme psychique
".
10 - Les motifs de la maladie
" Les motifs de maladie
doivent être nettement distingués des modes que peut revêtir
celle-ci, c'est-à-dire du matériel dont sont formés
les symptômes. Ils ne participent pas à la formation des
symptômes, ne sont pas non plus présents dès le
début de la maladie ; ils ne s'y adjoignent que secondairement,
et la maladie n'est pleinement constituée que par leur apparition.
Il faut compter sur la présence des motifs de maladie dans tout
cas qui implique une véritable souffrance et qui est d'une assez
longue durée. Le symptôme est d'abord un hôte importun
de la vie psychique, il a tout contre lui et c'est pourquoi il disparaît
si facilement de lui-même, avec le temps, en apparence. Mais si,
au début, il ne peut trouver aucune utilisation dans l'économie
psychique, il arrive fréquemment qu'il finisse secondairement
par en acquérir une. Un certain courant psychique peut trouver
commode de se servir du symptôme et, de cette façon, celui-ci
acquiert une fonction secondaire et se trouve comme ancré dans
le psychisme. Celui qui veut guérir le malade se heurte, à
son grand étonnement, à une forte résistance qui
lui apprend que le malade n'a pas aussi formellement, aussi sérieusement
qu'il en a l'air, l'intention de renoncer à sa maladie. Qu'on
se représente un ouvrier, un couvreur par exemple, qui, à
la suite d'une chute, devient infirme et qui ensuite vivote en mendiant
au coin d'une rue. Or, que vienne un thaumaturge lui promettant de lui
rendre sa jambe tordue droite et capable de marcher, il ne faudra pas
s'attendre à voir sur son visage l'expression d'une joie excessive.
Certes, lors de son accident, il s'était senti extrêmement
malheureux, avait compris qu'il ne pourrait plus jamais travailler,
qu'il devrait mourir de faim ou vivre d'aumônes. Mais depuis,
ce qui d'abord l'avait rendu incapable de gagner son pain est devenu
la source de ses revenus; il vit de son infirmité. Qu'on la lui
enlève, voilà un homme désemparé
a - Un correctif de 1923
concernant le motif primaire de la maladie
" On n'est plus autorisé à prétendre que les
motifs de la maladie ne soient pas présents dès le début
de la maladie
l'existence d'un profit primaire de la maladie doit
être reconnue dans toute névrose. Le fait de devenir malade
épargne tout d'abord un effort ; il est donc, au point de vue
économique, la solution la plus commode dans le cas d'un conflit
psychique (fuite dans la maladie), quoique l'impropriété
d'une telle issue se révèle ultérieurement sans
équivoque, dans la plupart des cas. Cette partie du profit primaire
de la maladie peut être appelée profil intérieur
psychologique: il est, pour ainsi dire, constant. En outre, ce sont
des facteurs extérieurs, comme par exemple la situation ici citée
d'une femme opprimée par son mari, qui peuvent fournir des motifs
à la maladie, et représenter par là la part extérieure
du profit primaire de la maladie.
b - Les motifs de la maladie
empêchent de guérir
" C'est dans la lutte
contre les motifs que réside généralement, dans
le cas de l'hystérie, la faiblesse de toute thérapeutique,
même de la psychanalytique. En cela, le destin a le jeu plus facile,
il n'a besoin de s'attaquer ni à la constitution ni au matériel
pathogène du malade; il enlève un motif de maladie, et
le malade est temporairement, et parfois même définitivement,
débarrassé de son mal. Souvent, l'on nous cache, à
nous médecins, les intérêts vitaux de nos malades,
et si nous en pouvions plus fréquemment prendre connaissance,
nous n'admettrions plus, dans l'hystérie, la survenue de tant
de guérisons miraculeuses, de tant de disparitions spontanées
de symptômes !
c - Une forme de motif qui
fait également obstacle à la guérison et qu'il
ne faut pas laisser échapper : le besoin de punition
" Mais il existe des
cas à motifs purement intérieurs, comme par exemple une
punition infligée à soi-même, donc un repentir et
une pénitence. La tâche thérapeutique y est plus
facile à accomplir que là où la maladie est en
rapport avec la réalisation d'un but extérieur "
14 - Du symptôme au
fantasme
Comme Freud passe du contenu
manifeste au contenu latent du rêve, de son chiffrage à
son déchiffrage, là il effectue le même mouvement
pour le symptôme.
Il retrouve donc le fantasme sexuel qui est mis en scène dans
ce symptôme. Ce qu'il ne dit pas dans ce contexte, mais c'est
justement ce qui lui a échappé dans l'histoire de Dora,
c'est que c'est toujours un double fantasme sexuel, dans lequel, le
sujet joue à la fois le rôle d'un homme et d'une femme.
Freud le savait pourtant, puisqu'il avait déjà décrit
ce double fantasme dans son grand texte " Les fantasmes hystériques
dans leur rapport à la bisexualité ".
Voici donc ce passage :
" Selon une règle
que j'ai toujours trouvée confirmée par mon expérience,
mais que je n'avais pas encore eu le courage d'ériger en règle
générale, le symptôme signifie la représentation
-la réalisation -d'un fantasme à contenu sexuel, c'est-à-dire
d'une situation sexuelle, ou, pour mieux dire, tout au moins une des
significations du symptôme correspond à la représentation
d'un fantasme sexuel, tandis que, pour les autres significations, pareille
limitation du contenu n'existe pas. Qu'un symptôme ait plus d'une
seule signification, qu'il serve à la représentation de
plus d'une pensée inconsciente, cela s'apprend bientôt
lorsqu'on s'engage dans le travail psychanalytique. J'aimerais même
ajouter qu'à mon avis une seule pensée, un seul fantasme
inconscient ne suffisent presque jamais à engendrer un symptôme.
L'occasion se présenta bientôt d'expliquer la toux nerveuse
par une imaginaire situation sexuelle. Lorsque Dora eut souligné
une fois de plus que Mme K... n'aimait son père que parce qu'il
était un homme fortuné, je m'aperçus, grâce
à certaines petites particularités de son mode de langage
- particularités que je néglige ici comme je le fais de
la plus grande partie purement technique du travail psychanalytique
-que cette proposition masquait son contraire: à savoir que son
père n'avait pas de fortune. Ceci ne pouvait avoir qu'un sens
sexuel (I) : mon père est, en tant qu'homme, impuissant. Lorsqu'elle
eut approuvé cette interprétation, avouant avoir eu consciemment
cette pensée
Elle savait fort bien, dit- elle, qu'il existait plus d'une manière
d'assouvissement sexuel. La source de ces connaissances, cependant,
s'avéra une fois de plus introuvable. Lorsque je lui demandai
si elle entendait parler ainsi de l'utilisation d'autres organes que
les organes génitaux dans les rapports sexuels, elle me répondit
par l'affirmative et je pus poursuivre en lui disant que certainement
elle devait penser aux organes qui, chez elle, se trouvaient dans un
état d'irritation: la gorge et la cavité buccale La suite
du raisonnement était pourtant inéluctable, cette toux
survenant par quintes et provoquée habituellement par un chatouillement
dans le gosier, représentait une situation de satisfaction sexuelle
per os entre les deux personnes dont les relations amoureuses la préoccupaient
sans cesse.
15 - L'interprétation
fait disparaître le symptôme
Le fait que la toux ait disparu très peu de temps après
cette explication tacitement acceptée s'accorde très bien
avec notre conception; mais nous ne voulûmes pas attacher trop
de prix à ce changement, puisqu'il s'était si souvent
déjà effectué spontanément.
16 - La perversion polymorphe
infantile
A la fin de ce chapitre,
Freud aborde alors la question de la perversion polymorphe infantile.
C'est une sorte d'introduction à l'ouvrage qu'il écrira
peut de temps après trois essais sur la théorie de la
sexualité.
" De ce que nous nommons perversions sexuelles, c'est-à-dire
des transgressions de la fonction sexuelle relativement aux régions
corporelles et à l'objet sexuel, il faut savoir parler sans indignation.
Le manque de limites déterminées où enfermer la
vie sexuelle dite normale, suivant les races et les époques,
devrait suffire à calmer les trop zélés. Nous ne
devons pas oublier que parmi ces perversions, la plus abominable à
nos yeux, l'amour sensuel de l'homme pour l'homme, fut chez un peuple
d'une culture bien supérieure à la nôtre, le peuple
grec, non seulement tolérée, mais même chargée
d'importantes fonctions sociales. Chacun de nous dépasse soit
ici, soit là, dans sa propre vie sexuelle, les frontières
étroites de ce qui est normal. Les perversions ne sont ni des
bestialités, ni de la dégénérescence dans
l'acception pathétique du mot. Elles sont dues au développement
de germes qui tous sont contenus dans la prédisposition sexuelle
non différenciée de l'enfant, germes dont la suppression
ou la dérivation vers des buts sexuels supérieurs -la
sublimation -est destinée à fournir les forces d'une grande
part des oeuvres de la civilisation. Lorsque quelqu'un est devenu grossièrement
et manifestement pervers, on peut dire plus justement qu'il l'est resté,
il représente un stade d'arrêt dans l'évolution.
Les psychonévrosés sont tous des êtres à
tendances perverses fortement développées, mais refoulées
et rendues inconscientes au cours de leur évolution. Leurs fantasmes
inconscients présentent. par conséquent. le même
contenu que les actions authentiques des pervers, même s'ils n'ont
pas lu la Psychopathia sexualis de Krafft-Ebing, ouvrage auquel des
naïfs attribuent un si grand rôle dans la genèse des
tendances perverses. Les psychonévroses sont, pour ainsi dire,
le négatif des perversions
. Les eaux, trouvant un obstacle
dans le lit du fleuve, sont refoulées dans des lits anciens auparavant
destinés à être abandonnés. Les énergies
instinctuelles destinées à produire les symptômes
hystériques sont fournies non seulement par la sexualité
normale refoulée, mais encore par les émois pervers inconscients
(I).
Les moins repoussantes parmi ce qu'on appelle perversions sexuelles
sont très répandues dans notre population, comme chacun
le sait, à l'exception des médecins auteurs de travaux
sur ces sujets, Ou plutôt, ces auteurs le savent aussi, mais s'efforcent
seulement de l'oublier au moment même où ils prennent la
plume pour en traiter.
15 Le fantasme fondamental
de Dora
" Il n'était
donc pas stupéfiant que notre hystérique, âgée
bientôt de 19 ans, et qui avait entendu parler de semblables rapports
sexuels (la succion de la verge), développât un pareil
fantasme inconscient et l'exprimât par une sensation d'irritation
dans la gorge et par de la toux. Il n'était pas non plus surprenant
de la voir arriver, sans éclaircissements extérieurs,
à un pareil fantasme, ainsi que je l'ai constaté avec
certitude chez d'autres malades. La condition somatique préalable
d'une semblable création libre de l'imagination. qui coïncide
avec la manière d'agir des pervers, était due chez elle
à un fait digne d'attention. Elle se rappelait très bien
avoir été, dans son enfance, une suçoteuse. Le
père aussi se souvenait de l'avoir sevrée de cette habitude
qui s'était perpétuée chez elle jusqu'à
l'âge de 4 ou 5 ans.
16 - Et le souvenir écran
qu'elle en a
" Dora elle-même
avait gardé dans sa mémoire une image nette de sa première
enfance: elle se voyait assise par terre dans un coin, suçant
son pouce gauche, tandis qu'elle tiraillait en même temps, de
la main droite, l'oreille de son frère tranquillement assis à
côté d'elle. Il s'agit ici d'un mode complet de l'assouvissement
de soi- même par le suçotement dont m'ont parlé
d'autres patientes encore, devenues plus tard anesthésiques et
hystériques. De l'une d'entre elles, j'ai reçu une information
qui projette une vive lumière sur l'origine de cette étrange
habitude. Cette jeune femme, qui n'avait d'ailleurs jamais perdu l'habitude
de suçoter, se voyait, dans un souvenir d'enfance datant, paraît-il,
de la première moitié de sa seconde année, boire
au sein de sa nourrice et, en même temps, lui tirailler rythmiquement
l'oreille. Je suppose que personne ne contestera que la muqueuse des
lèvres et de la bouche puisse être qualifiée de
zone érogène primaire, elle qui a gardé une partie
de cette qualité dans le baiser, considéré comme
normal. L'activité intense et précoce de cette zone érogène
est, par suite, la condition d'une. complaisance somatique" ultérieure
de la part du tube muqueux qui commence aux lèvres. Lorsque,
plus tard, à une époque où le véritable
objet sexuel, le membre viril, est déjà connu, se produisent
des circonstances qui accroissent à nouveau l'excitation de la
zone buccale restée érogène, il ne faut pas de
grands efforts d'imagination pour substituer à la mamelle originaire
ou au doigt qui la remplaçait, l'objet sexuel actuel, le pénis,
dans la situation favorable à la satisfaction. Ainsi ce fantasme
pervers, tellement choquant, de la succion du pénis, a une origine
des plus innocentes; le dit fantasme est la refonte d'une impression,
qu'il faut appeler préhistorique, de la succion du sein de la
mère ou de la nourrice, impression qui d'ordinaire fut ravivée
quand on eut l'occasion plus tard de voir des enfants au sein. Le plus
souvent, c'est le pis de la vache, représentation intermédiaire,
qui sert à établir la transition entre le mamelon et le
pénis.
Les dernières pages du texte sont consacrées à
l'objet d'amour des hystériques qui est " l'autre femme
", celle qui lui permet d'interroger sa propre féminité.
Avec le deuxième rêve de Dora, cette question sera reprise.
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