La castration dans L'interprétation des rêves

Claire Hoffman


Dans ce texte apparaît le complexe d'Œdipe, alors que le complexe de castration n'est développé comme tel qu'en 1908 avec l'écriture, menée simultanément, des " théories sexuelles infantiles " et de " l'histoire d'une phobie chez un petit garçon de cinq ans (le petit Hans) ". Freud signale pourtant dans ce dernier texte qu'il a déjà fait allusion en divers endroits au rôle joué par la castration et en particulier dans son Interprétation des rêves.


Entre père et fils

Les rêves de mort de personnes chères (p224) amènent Freud à parler de la réalité des relations entre parents et enfants, et en particulier entre père et fils. Ces relations ne sont pas faites que d'affection et de piété filiale. Au contraire, les pouvoirs du père sont illimités, et le fils se sent pour cela son ennemi : " Kronos dévore ses enfants comme le sanglier la portée de sa femelle ; Zeus châtre son père et se met à sa place (selon d'autres mythologies, c'est Kronos qui châtre Ouranos) ".
Un autre rêve raconté par Freud au chapitre des rêves de castration chez les enfants (p314) va dans le même sens que le mythe : " Un petit garçon de 3 ans et 5 mois, que le retour de son père contrarie visiblement, s'éveille un jour tourmenté et excité et demande à plusieurs reprises : " Pourquoi papa a-t-il porté sa tête sur une assiette ? Cette nuit papa a porté sa tête sur une assiette. " "

La castration dont il est question dans ce mythe et dans ce rêve, celle du père par le fils, n'est pas sans lien avec la crainte de la castration éprouvée par le garçon, qui est, dit Lacan, crainte d'une rétorsion .
Ainsi s'ébauchent, avec l'histoire de l'analyse et du complexe d'Œdipe, les prémisses du complexe de castration : il s'agit, dans le rapport oedipien, la mère étant interdite par le père, d'une intention agressive qui part de l'enfant. Ensuite il la projettera imaginairement dans le père.


Si l'on veut suivre le fil de la castration dans ce texte, sur le plan historique, c'est-à-dire chronologique, on pourrait s'arrêter là. Mais il s'y trouve encore un passage, côté féminin cette fois, ajouté en 1911, qui vaut la peine de s'y arrêter.

Entre mère et fille

Cette belle illustration du complexe de castration se trouve dans l'interprétation des rêves d'une femme, celle qui rêvait qu'elle se coiffait des organes génitaux de son mari . Deux autres rêves de cette femme sont rapportés, dans lesquels Freud met au jour les tenants du complexe de castration féminin.
Elle rêve que sa mère renvoie sa petite fille, pour qu'elle soit obligée de sortir seule, et celle-ci est ensuite écrasée par le train ; alors " elle fait des reproches à sa mère parce que celle-ci a laissé la petite aller toute seule. " La première piste d'interprétation est que " la petite " symbolise les organes génitaux, le fait d'être écrasé symbolise les rapports sexuels et cette femme reproche à sa mère de vouloir entraver sa vie sexuelle.
Cependant, un deuxième rêve de la même nuit permet de donner " une interprétation plus profonde", écrit Freud . Dans ce rêve, elle est identifiée à son frère. Il peut en déduire que c'est bien l'organe masculin que représente " la petite ", et dont cette femme reproche à sa mère de l'avoir privée. Freud rappelle la théorie infantile selon laquelle " les filles sont des garçons châtrés " et conclut " Finalement elle en veut à sa mère de ne l'avoir pas faite garçon. "
Ainsi ce rêve permet de bien mettre en évidence l'envie du pénis sur le fond du reproche de cette privation adressé à la mère.

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