Dora, Avant-propos
Liliane
Fainsilber
Je vois surtout dans cet
avant-propos, une argumentation nourrie rédigée à
l'avance à l'usage de ces futurs détracteurs. Ce qui le
laisse penser c'est le peu de succès qu'a eu son livre de l'Interprétation
des rêves et le scandale qu'a provoqué quelques années
après, ses trois essais sur la théorie de la sexualité.
Il prend en quelque sorte les devants.
Je passe sur l'exposition de ses scrupules ainsi que sur la difficulté
d'exposer un cas et ceci sans prendre de notes, pour arriver directement
page 3 à cette question de l'interprétation des rêves.
Freud comptait appeler ce texte : Rêve et hystérie pour
montrer comment " l'interprétation des rêves s'entrelace
à l'histoire du traitement ". Et il faut remarquer ce terme
" histoire du traitement " il ne s'agit plus de l'histoire
de Dora telle qu'elle l'a raconté au départ, mais de ce
qui s'est passé dans l'analyse, cela devient l'histoire de Freud
et de Dora, peut-on se risquer à dire que c'est l'histoire des
démêlés de Freud avec Dora.
Par ailleurs,
avez-vous remarqué combien dans ce texte Freud parle souvent
de "technique".
C'est ce terme qui m'a sauté aux yeux en relisant Dora.
Je trouve que ça vaudrait la peine de s'interroger, à
partir de ce texte de Freud sur les rapports qui existent et qui ne
sont pas souvent abordé entre
certes la clinique et la théorie analytique mais aussi avec la
technique, qui est à proprement parler ce qu'on pourrait appeler
le métier du psychanalyste, son tour de main, puis plus mystérieux,
celui de l'éthique de la psychanalyse.
La technique du rêve
(p. 4)
Quoiqu'il en soit il part sur la question du rêve :
" J'ai, non sans de bonnes raisons fait précéder
en 1900, les travaux que je projetais sur la psychologie des névroses
d'une étude approfondie sur les rêves. "
Et il rajoute une phrase qui est décisive pour sa démonstration
: tout un chacun peut analyser ses rêves et donc trouver confirmation
par lui-même de tout ce qu'il avance concernant sa découverte
de l'inconscient.
" L'objection qu'on m'opposait, à savoir que mes observations
n'auraient pas permis de se former une conviction vérifiable,
du fait que je n'avais pas livré mes matériaux n'était,
dans ce cas, plus valable, car chacun peut avoir recours à ses
propres rêves pour un examen analytique. "
Il rajoute ceci qui est très
important :
" La technique de l'interprétation des rêves est facile
à apprendre d'après les préceptes et les exemples
que j'ai donné.
Je soutiens, aujourd'hui comme alors, qu'une condition indispensable
pour comprendre les processus psychiques dans l'hystérie et dans
les autres psychonévroses est d'approfondir le problème
du rêve. Personne n'aura de chance d'avancer, même de quelques
pas, dans ce domaine, s'il veut s'épargner ce travail préparatoire.
"
Est-ce que vous ne trouvez
pas que Freud, après l'exposé de ses scrupules, de ses
incertitudes, à brusquement changé de ton : là
il est chez lui, il nous invite dans son domaine, au pays du rêve,
en attendant d'avoir accès aux paysages fort variés de
la névrose, pour ne pas parler de ceux de la psychose et de la
perversion.
La technique de l'analyse
: l'association libre
Page 5, Freud après
avoir évoqué la technique de l'interprétation du
rêve, apporte une précision non moins importante sur la
technique de l'analyse :
Elle a, nous dit-il, subit " une transformation fondamentale ".
" Le travail avait alors pour point de départ les symptômes
et pour but de les résoudre les uns après les autres ".
Avec la nouvelle méthode qu'il décrit, celle de l'association
dite, fort ironiquement, libre, L'analysant choisit au jour le jour
ce qu'il a envie de raconter. Et le symptôme se déchiffre
au bout du compte mais par petit bout.
" J'obtiens alors ce
qui appartient à la solution d'un symptôme par fragments,
enchevêtrés dans des contextes différents et répartis
sur des époques fort éloignées ". Je trouve
que cette description indique bien ce qu'il en est de la surdétermination
du symptôme, à la fois quant à sa signification
et quant à sa temporalité. Un symptôme s'enrichit
au fil du temps, prend de nouvelles valences. Il doit en être
ainsi pour la toux de Dora qui remontait à l'enfance mais dont
elle souffrait encore au temps de sa rencontre avec Monsieur K .
Nul doute qu'elle ait été réveillée au cours
de son analyse.
La partie la plus difficile du travail technique :
Le maniement du transfert
Freud termine cet avant propos
par ce qui est resté en suspens dans cette analyse, la question
du transfert.
Et là il choisit à nouveau ce terme de technique, concernant
le " maniement du transfert ". C'est la question la plus épineuse
du travail de l'analyste.
C'est sur cette question du transfert que l'analyse de Dora s'est inter-rompue.
Freud n'avait pas repéré à temps que Dora lui avait
rendu son tablier, qu'elle lui avait donné - non pas ses huit
jours, mais ses quinze jours.
Dans le milieu viennois de l'époque, il ne faut pas oublier le
rôle que jouaient les serviteurs. Les prendre en compte donne
un tout autre éclairage de cette histoire clinique.
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